Soutenabilité financière des élections au Burkina Faso: si on ne fait pas attention, ce sont les coûts des élections qui vont dégoûter les citoyens», avertit Newton Ahmed Barry

Pour tirer le bilan des élections de novembre 2020 et envisager les perspectives, le Centre pour la gouvernance démocratique (CGD), en partenariat avec l’Union nationale des administrateurs civils du Burkina Faso (UNABF), a organisé le mardi 23 mars 2021 à Ouagadougou, au Conseil Burkinabè des Chargeurs, un  dialogue démocratique.

L’activité a regroupé de nombreux participants de divers horizons, notamment des responsables et représentants de partis politiques et d’organisations de la société civile, des responsables de l’administration publique, des leaders d’opinion.

Dans une première partie, quatre panélistes vont situer le décor global, chacun par un exposé sur un sous-thème. Cette étape est suivie de l’intervention des participants.

Ainsi, le panéliste Newton Ahmed BARRY, Président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) est intervenu sur la « soutenabilité financière des élections et les stratégies » en mettant en lumière le coût élevé de l’organisation des élections dans les modalités actuelles. A titre d’exemple, il a rappellé que pour les élections couplées de novembre 2020, le coût estimatif de l’étape d’enrôlement a été estimé à 40 milliards FCFA. Le budget de départ de l’ensemble du processus est allé au-delà de 100 milliards FCFA (budget qui a été par la suite revu).

Selon le président de la CENI, la démarche actuelle (enrôlement périodique) coûte donc chère (avec à l’actif, un renouvellement fréquent du matériel). « Si on ne fait pas attention, ce sont les coûts des élections qui vont dégoûter les citoyens», avertit Newton Ahmed Barry, pour qui, ces coûts peuvent pourtant être minimisés jusqu’à proportion de zéro franc, pour ce qui est de l’étape de l’enrôlement par exemple. D’où la nécessité, à son avis, d’opérer des reformes à cet effet.

L’ancien ministre et ancien commissaire à la CENI, le juriste Abdoul Karim Sango, a analysé le cadre juridique et institutionnel de la CENI.

Dans son diagnostic, M. SANGO a fait remarquer, entre autres, que la qualité de membre de la CENI ne repose sur aucun critère de compétences techniques et d’exigences morales.

Parmi les nombreuses recommandations faites, on retient la nécessité de créer un corps d’administrateurs électoraux (les élections étant un métier), la nomination à la tête des démembrements de la CENI d’administrateurs civils (nomination par le président de la CENI de concert avec le ministre de l’administration territoriale). Aussi suggère-t-il que le président de la CENI soit désigné et nommé par le président du Faso (au cas où le format actuel va demeurer) et l’établissement d’un minimum de critères pour être membre de la CENI.

Lydia ZANGA, secrétaire exécutive de la Convention des Organisations de la société civile pour l’Observation Domestique des Elections (CODEL) a, dans son intervention, mis l’accent sur le diagnostic du processus électoral du 22 novembre 2020, en revenant sur ce qu’elle considère comme points forts (audit du fichier électoral, dialogue politique, tenue effective des élections malgré le contexte, la forte participation de la diaspora au scrutin avec plus de 60% de participation, le déroulement apaisé du scrutin….) et sur des insuffisances (des parties du territoire qui n’ont pas pu voter, manque de matériels dans des bureaux de vote…).

Parmi les recommandations qu’elle a dressées, on retient la nécessité pour les partis politiques d’avoir des représentants dans l’ensemble des bureaux de vote (aucun parti politique n’ayant pu couvrir la totalité des bureaux de vote) et de mieux les outiller pour éviter les contestations.

Ancien secrétaire général du ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, ancien secrétaire permanent de la Conférence nationale de décentralisation, Kalifara SERE a, quant à lui, abordé les réformes dans la perspective des élections locales de 2022.

« La conception d’élections locales transparentes et porteuses de concorde et de développement endogène implique une permanence des systèmes d’ingénieries rattachés au processus électoral. En clair, l’élection locale ne peut plus continuer d’être régulière et générale, ou le cas échéant, particulière et à la carte tout en étant financièrement et qualitativement soutenable, que si elle est (comme dans tous les Etats normés) implantée dans la gestion ordinaire mais rigoureuse, neutre et transparente de l’Administration du territoire », a campé Kalifara SERE. Enonçant également des recommandations, il a suggéré de repenser la décentralisation à travers la relecture du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), de procéder à des reformes du format actuel de la CENI, de repenser la soutenabilité financière des élections et de contrôler le financement des partis politiques.

Les participants  ont aussi, en guise de perspective, abordé la nécessité de réformes de la CENI, la question de la soutenabilité financière des élections, la réforme de la politique de la décentralisation ensemble ses textes, et la prévision de sanctions à l’endroit des partis politiques qui ne respectent pas leurs serments.

Participants lors des échanges

Somme toute, Il est ressorti de ce dialogue démocratique, que le bilan des dernières élections est satisfaisant malgré les difficultés rencontrées çà et là.

Selon le président de la CENI, Newton Ahmed BARRY, « Après ces élections, nous pouvons tirer une satisfaction en ce sens que plusieurs points ont été atteints. Parmi eux, on peut parler de l’acceptation du principe démocratique par tous, le vote de la diaspora, la révision du fichier électoral qui a été malgré tout une réussite », a-t-il laissé entendre.

Toutefois, pour Assena SOMDA, Chargé de programme du CGD, il faut observer une prudence et prendre du recul. Pour lui, « Ces élections malgré qu’elles se soient bien déroulées dans le calme, ont quand même présenté plusieurs insuffisances de l’organe organisateur. Je fais allusion à l’ouverture tardive des bureaux de vote, la participation faible de la gente féminine», a-t-il lancé.

En ce qui concerne les municipales, il a averti, qu’elles pourraient avoir des difficultés si les disfonctionnements lors des élections présidentielle et législatives se répétaient.  «Il faut qu’on revoit le cadre juridique des élections surtout pour les municipales. Depuis 10 ans, le CGD le chante, qu’il faut procéder  à l’élection au suffrage universel direct des exécutifs locaux. Cela va nous éviter le marchandage auquel nous assistons,  parce qu’à cette allure,  devenir maire devient une affaire de riches », a-t-il conclu.

Leave a Reply

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *