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Commission épiscopale justice et paix - CJP burkina

Pédophilie, corruption… L’Église réforme son droit pénal

Le Vatican a publié mardi 1er juin une très importante mise à jour du volet répressif de son droit interne. Il crée notamment une disposition particulière contre les prêtres pédocriminels.

C’est l’une de ces réformes vaticanes qui ont tendance à tomber dans l’oubli tant elles ont été lancées il y a longtemps. Et pourtant, c’est une modification très profonde du droit canonique, le droit interne de l’Église, que le Vatican a rendue publique mardi 1er juin, au terme d’un chantier lancé en 2007 par Benoît XVI. Pédophilie, lutte contre la corruption, applications des peines, délais de prescription… Avec cette constitution apostolique, intitulée Pascite gregem Dei (« Soyez les pasteurs du troupeau de Dieu »), le pape va bien au-delà d’un simple toilettage du livre VI qui prévoit, au sein du code de droit canonique de 1983, le système de sanctions du droit interne de l’Église.

Le point le plus saillant est la création d’un article spécifique sur les abus sexuels commis par des prêtres contre les mineurs ou les personnes en état de faiblesse, assorti d’un délai de prescription de vingt ans. Le canon 1398 prévoit ainsi que tout prêtre commettant un délit sexuel « avec un mineur ou une personne habituellement affectée d’un usage imparfait de la raison ou avec une personne à laquelle le droit reconnaît une protection similaire » pourra être sanctionné, voire exclu du sacerdoce.

Ces crimes sont désormais placés dans une partie sur les « délits contre la vie, la dignité et la liberté humaines », et non plus, comme auparavant, dans le cadre beaucoup plus large des fautes contre la chasteté commise par les prêtres. Fait nouveau, ces peines sont aussi élargies à la consultation ou la diffusion d’images pédopornographiques ou à « l’exhibition pornographique réelle ou simulée » de la part de prêtres.

« Le changement est significatif, notamment dans le domaine des abus »

L’Église fait un pas de plus en ouvrant la possibilité de punir aussi les religieux et les laïcs en la matière. Toute personne, prêtre ou non, commettant un abus sexuel sur un mineur pourra donc être déchargée de son office ou de sa fonction dans l’Église. « Le changement est significatif, notamment dans le domaine des abus », souligne la canoniste Claudia Giampietro, qui travaille à l’Union internationale des supérieures générales (UISG). Cette modification substantielle répond en fait aux exigences formulées par les victimes ces dernières années, qui réclamaient que soient inclus dans le code de droit canonique les adultes vulnérables. « Cela a donné lieu à des discussions entre canonistes sur la difficulté de formuler le concept de vulnérabilité en termes juridiques », ajoute Claudia Giampietro.

Parmi les victimes, certaines estiment néanmoins que Rome ne va pas encore assez loin. « Hélas, on est encore loin de la tolérance zéro », déplore Mary Collins, interrogée par La Croix. Ancienne membre de la Commission pontificale pour la protection des mineurs dont elle a finalement démissionné, elle réclame une exclusion automatique des prêtres délinquants. « Il est clair que la décision d’écarter ou non le prêtre fautif est laissée à l’appréciation de chacun », déplore-t-elle.

« Il faut tenir compte de la proportionnalité de la peine »

« Les délits visés par ce canon peuvent être très différents, et il faut tenir compte de la proportionnalité de la peine », a répondu aux journalistes Mgr Filippo Lannone, qui préside, depuis 2018, le Conseil pontifical pour les textes législatifs, chargé de cette réforme. « Une peine automatique n’aurait pas de sens. C’est un principe de justice », a-t-il poursuivi, assumant un examen au cas par cas par le juge. Mais la refonte du droit canonique approuvée par le pape va bien au-delà des questions des crimes sexuels sur les mineurs. « Il s’agit de s’engager dans des voies nouvelles et concrètes pour traduire l’obligation de rendre des comptes, et appliquer dans le code de droit canonique la responsabilité et la transparence », résume Claudia Giampietro.

De nouveaux délits

La réforme introduit par exemple de nouveaux délits, comme la violation du secret pontifical, explicitement mentionné, ou diverses mesures contre la corruption. Celui « qui donne ou promet quoi que ce soit pour que quelqu’un exerçant un office ou une charge dans l’Église fasse ou omette de faire quelque chose illégitimement » est ainsi passible de sanctions, en fonction de la gravité de sa faute, pouvant aller jusqu’à l’interdiction de célébrer la messe. De même pour tout « clerc ou religieux » commettant un délit en matière économique.

L’une des lignes de force de ce texte est de développer un dispositif judiciaire beaucoup plus précis qu’il ne l’était auparavant. C’est le cas des « peines expiatoires » applicables à un délinquant, précisément énumérées. Parmi elles, on retrouve de nombreuses possibilités mises à la disposition du juge, allant, pour un prêtre, de l’assignation à résidence au renvoi de l’état clérical, en passant par l’interdiction de porter l’habit religieux.

Un instrument adapté

C’est dans ce contexte que la possibilité d’imposer « une amende ou une somme d’argent pour les fins de l’Église » fait son apparition. Une peine déjà appliquée dans certains tribunaux ecclésiastiques – via l’obligation de faire un don à une association catholique –, mais qui rend clairement possible l’alimentation de caisses diocésaines ou nationales destinées à des victimes. Autre nouveauté : ceux qui « tentent » d’ordonner une femme prêtre encourent l’excommunication. Cette interdiction, bien que réelle, n’était pas explicitée dans le code de 1983.

« Cette réforme ne change pas les principes de fond qui régissaient jusqu’alors le droit pénal, mais elle en fait un instrument efficient et adapté à la protection des fidèles dans l’Église », analyse le père Bruno Gonçalves, professeur de droit pénal à la Faculté de droit canonique de l’Institut catholique de Paris. « On a repris toute cette partie du droit canonique, on l’a réordonné, de manière à faciliter sa lecture et sa compréhension », complète-t-il.

« Il y a une volonté de rendre ces dispositions plus applicables, relève le canoniste. On le voit aussi avec l’insistance sur le concept de réparation des scandales, qui irrigue tout ce nouveau livre VI. » De même, le nouveau code contraint désormais un évêque à exécuter une sentence prononcée par un tribunal ecclésiastique, sous peine de sanction.

De nouvelles obligations pour les évêques

Les évêques ont dorénavant l’obligation d’entamer une procédure judiciaire à l’encontre d’un prêtre n’ayant pas tenu compte de ses réprimandes, alors qu’il s’agissait avant cela d’une simple possibilité.

Autre signe de durcissement, relevé par le père Gonçalves : dans certains cas, les juges ont désormais l’obligation d’alourdir leurs sanctions, alors qu’il ne s’agissait auparavant pour eux que d’une option.

C’est en particulier le cas lorsque le délit a été commis par une personne « qui a abusé de son autorité ou de son office pour accomplir un délit ». Une manière de punir systématiquement plus durement les abus d’autorité, en particulier dans des cas d’abus spirituels, dans le cadre de relations marquées par l’emprise.

Après un travail de plus de treize ans, reste à appliquer ces changements importants. Ce sera chose faite à partir du 8 décembre prochain, date symbolique à laquelle l’Église catholique célèbre l’Immaculée Conception.

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7 000 victimes accompagnées en Irlande depuis vingt-cinq ans

Depuis 1996, le programme Towards Healing (Vers la Guérison, NDLR) est venu en aide à 7 000 victimes d’abus physiques ou sexuels au sein de l’Église catholique, a révélé son directeur, l’évêque auxiliaire d’Armagh Mgr Michael Router, dimanche 30 mai lors de la messe de la Sainte Trinité. Financé par la Conférence des évêques catholiques irlandais, ce programme conseille les survivants et leurs familles et les met en relation avec des psychologues. L’Irlande est l’un des pays les plus touchés par le fléau des abus sexuels : au moins 14 500 enfants en ont été victimes en quelques décennies.

La Croix Africa
Loup Besmond de Senneville (correspondant permanent à Rome)